La cuisine : Marqueur de l'histoire de notre pays

September, 27, 2009 16:14 by capt07

Si l’homo érectus s’est  relevé, c’était pour trouver sa pitance,  mieux veiller au danger qui pouvait surgir à tout moment ou pour apercevoir une proie. Si l’homme marche, aujourd’hui,  sur ses pattes de derrière c’est parce qu’un jour il a eu faim et peur.

Sa nourriture était composée de petits animaux crus, des racines, de plantes et de fruits.  En se levant il a découvert un monde nouveau, plus vaste que son horizon de quadrupèdes. Sa connaissance s’en trouva enrichie et son intelligence se développa.

Un jour, il trouva le feu.  Il apprit à y cuire ses aliments. Plus tard  il se servira de ce feu pour fabriquer des armes lui permettant d’agrandir son territoire de chasse et d’attaquer des animaux plus gros. Il apprit également à cultiver la terre.

Dés lors se posera pour lui, le problème de la conservation de la nourriture, avec comme but d’aller d'une récolte a l'autre sans souffrir de la faim.

Le boucanage, la cendre de bois, le fumage, le séchage, le salage seront, avec la cuisson dans la graisse (confit), jusqu’à la fin du 19ème siècle,  les seules façons de conserver la nourriture. On paiera l’impôt sur le sel, « la gabelle », jusqu’en 1789. L’appertisation (mise en conserve et pasteurisation) date de la fin du 19eme siècle, la congélation et la lyophilisation, sont venues après la guerre de 1939-45.

Les grecs puis les romains, mangeaient des mets apprêtés. Ils connaissaient les glaces et sorbets. Ils vouaient à la nourriture un culte hautement symbolique puisqu’ils sacrifiaient aux dieux les meilleurs morceaux des animaux (tripes, foie, cœur) selon leur critère de goût.

L’expansion de l’empire procurait à Rome nombre de vins et ingrédients divers. L’impôt payé par les provinces romaines à Rome était le plus souvent sous forme de denrées alimentaires. C’était le temps des orgies romaines qui participèrent au déclin de l'empire, tant les politiques de l’époque plaçaient la nourriture au-dessus de toute autre préoccupation, le confort et l'opulence se traduisait plus, au quotidien, par l'abondance des mets sur la table que par les possessions matérielles.

Si la discipline militaire et la stratégie firent la gloire des armées romaines, c'est un tout petit ustensile qui présidera à leurs défaites; l'utilisation de l'étrier permettant de tirer avec un arc tout en se déplaçant sur un cheval par les hordes germaniques auront raisons des soldats romains à pied et statiques dans leurs tortues. L’arrivée de ces barbares entraînera la chute de l’empire, le christianisme s’imposera avec l'aide des romains convertis. 

Moyen age

Le Christianisme imposera l’austérité et la continence, vouant les plaisirs terrestres à Satan, dénonçant les orgies des païens comme incitation du diable.

Les Chrétiens imposèrent une façon de se nourrir basé sur une allégorique poétique mêlant la volonté divine à la diététique. Les préceptes religieux, du bien et du mal, le ciel et l'enfer, le noble et le roturier, le noir et le blanc, ces oppositions dites diachroniques constituaient la toile de fond d'où l'on déterminait les propriétés des aliments.

Ces pratiques subsistent encore dans certaines religions elles s’appuient sur une observation simpliste de la santé des humains. Puisque, manger telle viande rend malade c’est que Dieu l’a voulu. Il est évident que manger de la viande de porc qui à toutes les chances d’être infectée par le ténia, les larves du ver solitaire du fait du climat, rend malade. En afrique, le ver solitaire est souvent mortel pour une population mal nourrie.

Dans une civilisation ou les légumes étaient très peu cuisinés parce qsue pousant dans la terre et donc trop prêt ddu diable, imposer des jours sans viande était du simple bon sens. la parole divine n'étant que prétexte inventé par l'église pour convaincre les incrédules.

C’est prêt de 150 jours de jeûne qui étaient imposés par l’église, soit un jour sur deux. Cette pratique  subsistait à la fin du 20èmè sciècle avec le poisson imposé le vendredi, le carême de 40 jours de début d'année, (la ramadan chrétien). Le jeûne étant la seule médecine connue à une alimentation déséquilibré.

Jusqu’au 15eme siècle, les hommes portèrent une attention particulière à ce qu'ils avalaient, car malheur à celui qui ne respectait pas les principes religieux, l'inquisition n'était jamais loin et ne pas faire jeûne pouvait conduire au bucher. Les meilleurs aliments provenaient du ciel. On raffolait des fruits et des oiseaux sauvages. Plus prés de Dieu, provenait la nourriture, meilleure elle était.

Les seigneurs appréciaient aussi les viandes provenant d'animaux sauvages, considéré plus nobles parce que libres et dont ils avaient l'exclusivité du droit de chasse. C’est à cette époque que la goutte fut classée « maladie des riches », l’abus de viandes faisandées entraînant l’augmentation de l’urée.

On méprisait les animaux et les végétaux vivant au ras de la terre, associée au démon et à la féminité. Pas question donc de manger des légumes ou boire de l'eau, à moins de vouloir se purger. Qui mange porée ou bonne verdure, chasse de son corps male aventure. Fèves mangées faict gros songer.

Un noble ne buvait que du vin ou de la bière. Au matin boit le vin blanc, le rouge au soir pour faire sang. "Un ptit coup de rouge dans une vieille panse c'est comme une nouvelle poutre dans une vieille grange" Contrairement à ce que l'on pourrait croire, les hommes ne s'interdisaient pas l'eau parce qu'imbuvable. Elle était potable à peu près partout en Europe. La pollution est un phénomène du XX ème  sciècle à 90%. Ils l'évitaient parce qu'associée à la terre et au principe féminin. 

À chaircuitier bonne saucisse. La viande, ou chair, une fois cuite et séchée se conservait en saucisson. Celui qui cuisait la chair et en faisait commerce s'appelait le chaircuitier devenu plus tard le charcutier..

Au moyen-Âge, on affectionne passionnément la saveur du melon. Malheureusement, ce fruit qui pousse près du sol détient une essence froide et humide. On doit donc corriger ce défaut avec un aliment chaud, tel que le vin ou la viande. Ces traditions culinaires ont subsisté. Un melon au jambon d’aoste ou au porto en sont de beaux exemples.

On croit injustement qu'au Moyen-âge, les gens utilisaient le poivre, et les epices pour masquer le goût des viandes mal conservées. On appréciait plutôt ces épices, pour leurs vertus "médicinales". Ils coûtaient souvent plus cher que la viande elle-même. Le poivre et la moutarde, pour son utilisateur, stimulaient la virilité et ennoblissaient le corps.

Associés à l’idée des croisades et des  terres d'orient d'où ils proviennent pour la plupart, les épices s'en trouvaient auréolés de cet gloire d'avoir poussé dans les terres du christ. Ils pouvaient laisser sous-entendre que l’hôte avait été "croisé" ou connaissait quelqu'un qui avait été en croisade  libérer le tombeau du christ.  

"Le poyvre est noir et chascun en veult avoir. De chair sallée sans moutarde, de vache sans lait, de géline qui poids ne prend, de petit dîner qui trop tarde, Libère nos Domine."

Les fruits sont des aliments pleins d'eau, donc froids et humides. C'est pourquoi on les mangeait au début du repas.

La hiérarchie des aliments devait être respectée dans la chronologie d'un repas si vous ne vouliez pas tomber malade. Les éléments plus "féminins" devaient être pris tôt dans le repas. Téméraire celui qui avale un aliment féminin après un aliment masculin. Certains proverbes illustrant ces principes sont parvenus jusqu'à nous. Lait sur vin est venin. Vin sur lait est souhait.

À table, l'assiette n'existe pas au Moyen-âge. On distribuait un couvert (le couteau et très rarement la cuillère) et un verre pour deux personnes. Les bonnes manières commandaient donc de s'essuyer la bouche sur sa manche avant de boire au verre commun. L'assiette se composait d'une planche de bois, nommée "tranchoir". On y déposait une grande tranche de pain rond, le pain de tranchoir, sur lequel on plaçait la viande et la sauce. Puisqu'on partageait le pain, les convives étaient co-pain ou compagnon.

Le noble ne travaillait pas beaucoup physiquement. Ils mangeaient donc de façon légère, en mangeant de préférence des oiseaux. On appréciait surtout le paon, le canard et le cygne, volant plus haut dans le ciel, donc plus nobles. Le qualificatif "oisif" provient de ce mode d'alimentation pour personne peu active.

Renaissance apogée de l'aristocratie, la bourgoisie s'émancipe  

Avec la Renaissance le goût évolue, la mode est au retour à l'empire romain, d’où le nom de renaissance. Le droit canon fait place au droit romain, l'architecture, la musique, la littérature font référence à l'antiquité, la cuisine suit comme toujours, elle s’oriente vers plus de mugnificience, de grandiloquence, tendant à rappeler les orgies romaines. Rabelais en est un des témoins. Même si cela concerne surtout les dîners festifs, dans les chaumières les bases de ce que nous appelons aujourd’hui la cuisine de terroir sont depuis longtemps jetées.

Henri IV, béarnais, gros mangeur, comme tous les bourbons après lui, avait été élevé au garbure, tourin, confit, la prodigalité est de mise à table, les plats se succèdent sur la table des grands par dizaines. Il n’y a souvent qu’un repas par jour, avec des goûters légers soupes au réveil. Procope, introduisit les glaces et sorbets à la cour de Louis XIV en 1660. 

Les successeurs d’Henri IV, Louis XIII, Louis XIV, Louis XV, Louis XVI, Louis XVIII, seront comme lui de bons vivants à table. Louis XIII âgé de 10 ans aimait à fabriquer des
oeufs-melette à ses sœurs.

Fouquet, avant qu’il ne soit arrêter avait comme Maître des hôtels: Vatel qui sera engager par M de Soissons, a l’arrestation de Fouquet par d’Artagnan pour malversations.
VATEL inventa la Chantilly, mais surtout il fit ré-entrer dans la cuisine les sauces liées et les fonds  de cuisine. Le Marquis de Béchamel  restaura la liaison à base de farine connue des romains et abandonnée au moyen age, car la farine y est réservée à la fabrication du pain.

A cause de ces sauces, on commença à utiliser des fourchettes à deux dents pour manger, elles furent imposées à la cour par Henri III. Les cuisiniers étaient avec les verriers, les seuls non nobles à porter l’épée.  Avec son arme Vatel se suicidera parce que la marée n’étant pas là, il ne put honorer le dîner du roi. Cet homme qui mis son art au-dessus de son intégrité physique, inspire toujours les vrais cuisiniers.

La révolution : la haute bourgeoisie prend le pouvoir

A la révolution, la bourgeoisie prenant le pouvoir, s'appropria les fastes de l’aristocratie en restant toutefois plus regardante à la dépense. Elle diminua le nombre de plats servis dans un repas.

Louis XVI, prisonnier à la conciergerie, fut condamner par le comité de salut public à restreindre son train de vie. Il n’avait plus droit qu’à 20 potages, 40 entrées ou  hors d’œuvres par repas.

On appelait « entrée » pratiquement tous les plats non parce qu’ils amorçaient un repas comme a présent, mais parce qu’il faisait leur entrée en salle à la manière d’un acteur sur scène. Ils étaient annoncés par un chambellan appelé « aboyeur »,  ainsi il y avait des entrées de boucherie, de poisson, d’abats, tous ce qui n’était pas potage, hors d’œuvre, œuf. Hors d’œuvres qui suppose qu’ils étaient fabriqués en dehors des Œuvres qui se voulaient Chefs d’œuvres ou œuvres de chef. Ces hors d'oeuvres représentaient ce que l'on appelle aujourd'hui des amuses bouches, ils étaient préparés par les commis. Le chef assurant la préparation des nombreux plats principaux. Les plats de viande servis dans les banquets et portés par plusieurs valets ressemblaient plus à des monuments qu’a de la nourriture.

Le dessert, lui, doit son nom au fait qu'il était le dernier plat avant de desservir la table. On servait un entremet entre chaque plat de viande (d’ou le nom d’entre mets). Au début du XXème siècle, jusque dans les années 60 70, il était encore courant de voir dans les banquets plusieurs plats de poisson et de viande se succéder avec un entremets entre chaque plat, le fameux trou normand qui était à l’origine un verre de calvados censé nettoyer l’appareil digestif est aujourd’hui une persistance de ces entremets chers à nos banqueteurs d’autrefois. 

XX ème sciècle Naissance de la middle classe et de la Haute bourgeoisie

Quelques chefs parisiens (Pelaprat, Curnonsky, Brillat-Savarin) démocratisèrent cette cuisine issu de l’aristocratie et la baptisèrent « cuisine bourgeoise », simplifiant le décorum pour quelle puisse entrer dans les foyers de la classe moyenne émergeante.

Cette cuisine est encore apprise par les apprentis d’aujourd’hui. Le recueil actuel de recettes pour le CAP de cuisinier, a été pensé en grande partie par un professeur de cuisine, Eugène BOURIAULT en 1961 qui a imaginé un ensemble de plats regroupant l’essentiel des techniques culinaires, il avait été longtemps le chef de brigade au Wastorf Astoria à Londres et était à l'époque le chef le plus titré de l'éducation nationale. J’ai personnellement été son élève en 1961 et 1962.

"time is money" où le Manger rentable

Dans les années 70-80, Boccuse, chef de file d’un aréopage de cuisiniers presque tous formés à la même école, lança grâce à la télévision et à la revue « gault et milliau », la «nouvelle cuisine». Destinée à des PDG et cadres fortunés, elle se donnait comme ambition de revenir à la vraie saveur des aliments et de réduire les sauces. En fait, elle avait  surtout comme raison d’être de diminué la ration calorique servi à des hommes contraints d’inviter des clients au restaurant pour affaires, tout en leur proposant un produit de grande classe plus onéreux.

Elle s’inscrit dans une démarche de management d’un donneur d’ordre qui tient à s’aliéner un éventuel client. Ces pratiques se perdent un peu pour ces même raisons,  La diététique moderne ayant réussi à convaincre ces hommes d’affaires qu’ils avaient plus à gagner, à inviter leurs clients au gymnase qu’au restaurant.

Elle a aussi permit une meilleur maîtrise des coûts indus ex : service à l’assiette au lieu du service à l’anglaise, en plats, de règle avant.

Si on peut critiquer l’évolution que lui ont donné des chefs assez prétentieux et dont la qualité n’atteint pas le montant de l’addition. On ne peut nier qu’elle ait ouvert des perspectives nouvelles aux cuisiniers d’aujourd’hui, étrangement  elle a remis au goût du jour certaines pratiques du moyen âge mettant ainsi en valeur, pour les connaisseurs, une époque qui décida du devenir gastronomique de notre pays..

Le mélange et l’appropriation des cultures étrangères, de goûts exotiques,  par les cuisiniers français est une constante de notre pays. Le passé colonial de notre pays a pesé lourd également dans notre culture culinaire. La spécificité française tient pour l’essentiel aux péripéties de notre histoire notamment coloniale. Elles expliquent les pratiques différentes dans les pays d' Europe qui au moyen âge avaient tous à peu de choses prêt la même cuisine. 

A la lumière de ces faits on comprend mieux qu’un pays neuf, sans référence historique comme les Etats Unis, fer de lance du rationalisme capitaliste pur et dur, considère comme temps perdu, le temps passé à table, « time is money » d'ou la cuisine de fast food.

La nouvelle cuisine par ses outrances, son coût,  ses rations, a  permis, en réaction, la redécouverte de nos plats régionaux ancestraux. Tant il est vrai que le commun des mortels qui va au restaurant que de temps en temps, est comme moi, si après un bon repas je desserre un cran a ma ceinture j'en suis très heureux. Il parait pourtant qu'un bon repas doit se terminer avec une pointe d'appétit. Personnellement, je me sens plus proche de Rabelais que de Brillat-Savarin.    

Il serait dommage que l’histoire s’arrête là, à cause de la dictature idéologique à laquelle notre pays est soumis dans les moindres recoins de sa propre culture. Témoin et actrice, la cuisine à travers son histoire est un marqueur important de l’évolution de notre civilisation.

Le goût est une faculté humaine en constante évolution, si nous laissons nos enfants se contenter de choses de mauvais goût, nos petits enfants les trouverons excellentes.

Notre métier connaît une grave crise actuellement, il est en effet de plus en plus dur de former des gens capables de se sacrifier pour exercer ce métier, à cause des horaires importants, incompressibles pour qui veut exercer sont art, de la fatigue énorme que ne connaissent pas la plupart des autres métiers, des salaires médiocres en regard des sacrifices consentis et qui sont dus à la concurrence frénétique que nous subissons de la part de marchands de mal-bouffe.

Ne laissons pas de grâce quelques financiers qui fréquentent d’excellents restaurants, nous imposer de la bouffe bon marché et médiocre.

Le goût, c’est comme la liberté cela s’use quand on s’en sert pas.

Jm Digny

Nb: pour la rédaction du présent billet (qui n'ait qu'un résumé ) j'ai utilisé divers documents personnels et aussi d'autres dont je partage et défends l'analyse.

Quand un jeune d'aujourd'hui aura 50 ans Il recherchera les goûts de son enfance et ce sera des Mac’do. Mes références à moi, sont celles de la cuisine de ma grand-mère, cuisinière dans un collège de Jésuites. C'est vraisemblablement à cause d'elle que j'ai été cuisinier.